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babel
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C’était un après-midi un peu gris de ce septembre 07, et le café fumait. Lui qui martèle les sons jusqu’à la musique, comme moi les mots jusqu’à la phrase, nous deux tenaillés ainsi par cette question : pourquoi écrire, peindre, ou composer ? La pointe d’un stylet perçant nos dynamismes : à quoi bon ? Pour dire quoi, et à qui ? Plus j’y pense, plus je veux me dire que lui comme moi portons cette question les jours de mortes-eaux, les jours « d’à quoi bon tout ça ?», que de toute façon, peu ou beaucoup, l’ouvrage nous rattrapera. Mais quand même, dites-moi, « écrire, des sons ou des mots ? » : question du jour ? J’ai lu encore une fois un peu plus tard que l’écriture venait du désespoir… Et la joie serait donc à taire ? Précisons…Faisons le point…
Pour être plus précis… Par écrit, l’un des espoirs est apprivoisé, – lion édenté d’un cirque à demi éteint -- Inutile de l’enfermer dans un livre D’en avoir fini, car tout serait déjà dit L’ombre du temps restant va diminuant : Cet instant-là creuse la fosse, béante, Berceau détaillé, chantourné dans la glaise, Une bouche ouverte, la gueule du vide Muet et hurlant à la fois. Là découpées Par les dents des pelles, les racines tracent Quelques dernières volontés en bouclettes Pleines et déliées, par dessus le vide.
Un nom, deux dates, et tout serait dit ?
Par écrit quelques pas, Prise d’élan : un enjambement est franchi – chéneaux fleuris ensemencés par le vent - La voilà, l’écriture enfin maîtrisée. Sumérienne, Linéaire « b », sinueuse : Au-dessus de nos abysses, tout finit Par-delà silences, blancs, fosses, béances En vol plané pour atterrir sur la page : Éclaboussé de lettres, et de virgules, Pixels et compagnies, glyphes et ratures ; Le bois salé rejeté par les océans, dit-on Est un abécédaire sain et sauf permanent Pleins et déliés, se moquant du temps qui mord
Les cerfs franchissent d’un bond les ravines
Devenu de l'écrit, Trait par trait se marque une frontière - Mississipi sur une cagoule du Ku Klux Klan - Encres en crues débordant nos résidences. De chaque côté, elle dessine à son tour Ses frontières de frontière, en abîme La parole tombe de sillons en impacts Dans le bas des vallées titubent des kayaks : Quelques mots échappés, des lapsus scintillants. Une phrase vient s’échouer sur l'autre berge On la sait partir chanter la vie d'un autre, Prise dans sa réalité, elle est passée : L’autre enlace ses formes pleines et sa gorge déliée.
Balkanisation de mensonges tacites
Les paroles restent Les écrits, eux, sont volages, au loin, l'horizon Emballe les lignes dans la banalité et le vague, Sans remords : « tout a déjà été dit, et oublié », Vous dis-je… Oui…Mais, pas ici, ni par nous. Un signe nouveau soudain surgi de l’ordinaire : Une araignée surprise sur l’émail de la baignoire, Quelle parfaite beauté et quel pur effroi, Rayures étalées sur le blanc brillant Quelle surprise et quelle banalité : nos vies, Uniques, avec nos plénitudes et nos déliages… Où l'angoisse et la joie se disputent la dépouille, le sillage, Ces traces qui tombent de nous comme les feuilles des arbres, Été comme hiver, jour et nuit, par-delà plaisirs et peines, Tant qu’il reste une feuille
Un nom, deux dates : c’est un peu court Pour tant de bonds par-dessus le vide. Ce silence se fragmente en oublis complices : Au pied des arbres morts, feuille à feuille, Avait été déposé le roman de leurs vies.
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Jilber
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Posté le: 10/9/2007 21:43 | Sujet du message: Tout est dit ici : | |
| Site Internet: http://jilber.fr |
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L'art poétique
De la musique avant toute chose, Et pour cela préfère l'Impair Plus vague et plus soluble dans l'air, Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
Il faut aussi que tu n'ailles point Choisir tes mots sans quelque méprise Rien de plus cher que la chanson grise Où l'Indécis au Précis se joint.
C'est des beaux yeux derrière des voiles C'est le grand jour tremblant de midi, C'est par un ciel d'automne attiédi Le bleu fouillis des claires étoiles!
Car nous voulons la Nuance encor, Pas la Couleur, rien que la nuance! Oh! la nuance seule fiance Le rêve au rêve et la flûte au cor !
Fuis du plus loin la Pointe assassine, L'Esprit cruel et le Rire impur, Qui font pleurer les yeux de l'Azur Et tout cet ail de basse cuisine !
Prends l'éloquence et tords-lui son cou ! Tu feras bien, en train d'énergie, De rendre un peu la Rime assagie. Si l'on n'y veille, elle ira jusqu'où ?
Ô qui dira les torts de la Rime ? Quel enfant sourd ou quel nègre fou Nous a forgé ce bijou d'un sou Qui sonne creux et faux sous la lime ?
De la musique encore et toujours ! Que ton vers soit la chose envolée Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée Vers d'autres cieux à d'autres amours.
Que ton vers soit la bonne aventure Eparse au vent crispé du matin Qui va fleurant la menthe et le thym... Et tout le reste est littérature.
Paul Verlaine |
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Francois |
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Jean-Claude Touzeil
Parfois,
le pépiniériste plante
son ordinateur.
Parfois,
l'ornithorynque a bien du mal
à épeler son nom.
Parfois,
on reprend deux fois
du pain bis.
Parfois,
le canard colvert
aimerait changer de chemise.
Parfois,
quand il négocie un virage,
l'escargot argentin
se prend pour Fangio.
Parfois,
le soleil
est dans la lune.
Parfois,
entre deux chefs d'oeuvre,
Victor Hugo faisait la sieste.
Parfois,
devant la porte des toilettes,
les anges hésitent un peu.
Parfois,
on se décide à publier
les inédits de Zidane.
Parfois,
la chouette aimerait
vivre au jour le jour,
pour voir.
Parfois,
un poème de Cadou
et le monde est changé.
Parfois / illustrations de Maud Legrand. - L'Idée bleue, 2004.
- 47 p. - (Collection Le Farfadet bleu).
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Francoise |
Posté le: 11/9/2007 00:29 | Sujet du message: RE: Tout est dit ici : | |
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| "Jilber" a écrit: | | L'art poétique
De la musique avant toute chose, Et pour cela préfère l'Impair Plus vague et plus soluble dans l'air, Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
Il faut aussi que tu n'ailles point Choisir tes mots sans quelque méprise Rien de plus cher que la chanson grise Où l'Indécis au Précis se joint.
C'est des beaux yeux derrière des voiles C'est le grand jour tremblant de midi, C'est par un ciel d'automne attiédi Le bleu fouillis des claires étoiles!
Car nous voulons la Nuance encor, Pas la Couleur, rien que la nuance! Oh! la nuance seule fiance Le rêve au rêve et la flûte au cor !
Fuis du plus loin la Pointe assassine, L'Esprit cruel et le Rire impur, Qui font pleurer les yeux de l'Azur Et tout cet ail de basse cuisine !
Prends l'éloquence et tords-lui son cou ! Tu feras bien, en train d'énergie, De rendre un peu la Rime assagie. Si l'on n'y veille, elle ira jusqu'où ?
Ô qui dira les torts de la Rime ? Quel enfant sourd ou quel nègre fou Nous a forgé ce bijou d'un sou Qui sonne creux et faux sous la lime ?
De la musique encore et toujours ! Que ton vers soit la chose envolée Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée Vers d'autres cieux à d'autres amours.
Que ton vers soit la bonne aventure Eparse au vent crispé du matin Qui va fleurant la menthe et le thym... Et tout le reste est littérature.
Paul Verlaine |
L’homme pressé dépasse son regard Sans s’en apercevoir.
L’homme distrait pose son regard Puis, le laisse choir.
L’homme poète ramasse les regards Et les invite au parloir.
L’homme artiste rassemble nos regards Pour nous émouvoir.
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BernardF
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Quand on a très faim, même le pain complet a un goût de trop peu. |
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BernardF
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| "BernardF" a écrit: | | Quand on a très faim, même le pain complet a un goût de trop peu. |
Ho, allez, puisqu'on en redemande, je continue...
A-t-on jamais vu de belles chutes de Rhin ?
Avant de récolter il faut planter, prends-en de la graine !
Les choses qui ne servent à rien sont très utiles à certains. |
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jacques |
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qui veut fromager loin, ménage sa présure
J. A. |
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BernardF
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| "jacques" a écrit: | | qui veut fromager loin, ménage sa présure
J. A. |
Allons, allons, on est pas ici pour rigoler.
Si l’enfer est l’envers du paradis, le paradis est l’endroit où l’on a pas le cœur à l’enfer.
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babel
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Pour être plus précis… Par écrit, l’un des espoirs est apprivoisé, – Lion édenté d’un cirque à demi éteint -- Inutile de l’enfermer dans un livre, D’en avoir fini : tout a déjà été dit ! L’ombre du temps restant va diminuant : Cet instant-là creuse la fosse, béante, Berceau détaillé, chantourné dans la glaise, Une bouche ouverte, la gueule du vide Muet et hurlant à la fois. Là découpées Par les dents des pelles, les racines tracent Quelques dernières volontés en bouclettes Pleines et déliées, par-dessus le vide.
Un nom, deux dates, et tout serait dit ?
Par écrit quelques pas, Prise d’élan : un enjambement est franchi – chéneau fleuri ensemencé par le vent - La voilà, l’écriture enfin maîtrisée. Sumérienne, Linéaire « b », sinueuse : Au-dessus de nos abysses, tout finit Par-delà silences, blancs, fosses, béances En vol plané pour atterrir sur la page : Éclaboussé de lettres, et de virgules, Pixels et compagnies, glyphes et ratures ; Le bois salé rejeté par les océans, dit-on Est un abécédaire sain et sauf permanent Plein et délié, se moquant du temps qui mord
D’un bond, un cerf dompte une ravine
Devenu de l'écrit, Trait par trait se marque une frontière -Mississipi sur une cagoule du Ku Klux Klan - Encres en crues débordant nos résidences. De chaque côté, elle dessine à son tour Ses frontières de frontière, en abîme La parole tombe de sillons en impacts Dans le bas des vallées titubent des kayaks : Quelques mots échappés, des lapsus scintillants. Une phrase vient s’échouer sur l'autre berge On la sait partie chanter la vie d'un autre, Prise dans sa réalité, elle est passée : L’autre enlace ses formes pleines et sa gorge déliée.
Balkanisation de mensonges tacites
Les paroles restent L’écrit, lui, est volage, un enfant perdu — Une araignée surprise dans la baignoire — Un signe écorché surgi sur l’ordinaire : L'horizon a fondu nos lignes dans le banal Quelle parfaite beauté et quel pur effroi, Rayures étalées sur l’émail brillant Quelle surprise et quel cliché que nos vies, Uniques, plénitudes et déliages, Où l'angoisse et la joie se disputent nos os Ces marques laissées près de nous, feuille à feuille, Strip-tease, été comme hiver, jour et nuit, Les feuilles, plaisirs et peines, tombent, tombent
Tant qu’il reste une feuille |
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