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   Trier par date décroissante
Julos
Posté le:
11/2/2008 00:11
Sujet du message:
Plaidoirie de Céline Verbrouck
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Email:
pagodes@julos.be
Site Internet:
http://julos.be
Salimatou Diallo, 18 ans, est arrivée en Belgique il y a 2 ans avec sa petite Aminata, 3 mois.
Voici comment s’est déroulée son audition devant le fonctionnaire chargé d’examiner sa demande d’asile :
//
- Quel est votre état civil Madame ?
- Pardon ?
- Votre état civil ?
- Euh… c’est quoi ça ? //
- Vous êtes mariée ?
- Je suis célibataire. //
- Vous êtes ici pourquoi ?
- On m’a mariée de force…
- Mais vous venez de me dire que vous étiez célibataire ! //
- (…) Je peux voir votre passeport ou votre document y tenant lieu ? //

L’interprète intervient pour expliquer le sens de la question à Salimatou embarrassée.
- Je n’ai jamais eu de documents d’identité. On n’en a pas besoin dans la brousse. //
- Vous avez de la famille en Europe ?
- Non.
- Et le bébé que vous avez dans les bras, c’est à vous ?
- Oui, c’est ma fille.
- Mais donc vous avez de la famille ! Madame, je vous demande d’être attentive à mes questions et d’y répondre avec précision.
- // Alors… Question 41: Expliquez-moi pourquoi vous craignez avec raison d’être persécutée pour des raisons de race, de religion, de nationalité, d’appartenance à un groupe social déterminé ou pour vos convictions politiques.
L’interprète traduit : - raconte ton histoire. //

- Je suis guinéenne, d’origine peule. Je suis musulmane. Je vivais au village avec mes parents. Un jour, mon père m’a annoncé qu’il m’avait donnée en mariage à un vieux, l’imam du village. Cet homme a déjà 3 femmes.
//
J’ai refusé et lui ai expliqué que je voulais épouser mon copain Freddy Bangoura, mais mon père ne m’a pas écoutée parce que Freddy est chrétien.
//Ce jour-là, il y avait aussi mes oncles Oumar et Moustapha, et ma mère Mariama.
// Ma mère est intervenue en ma faveur, mais elle a été chassée sur-le-champ. Je n’ai plus jamais eu de ses nouvelles.
- Ensuite ?
- Chaque jour, mon père me frappait. J’étais enfermée dans une chambre. Après une semaine, on m’a emmenée chez mon mari. Il m’a forcée à avoir des relations sexuelles.
- Quand a eu lieu le mariage ?
- On m’a dit qu’il y avait eu une cérémonie à la mosquée avant mon arrivée, mais je n’y étais pas.
- C’était quand exactement ?
- Je ne sais pas.
//
- A part le fait que vous étiez violée par votre mari, vous faisiez quoi ?
- Je faisais les tâches ménagères comme par exemple aller chercher de l’eau.
//
- Pourquoi vous êtes-vous enfuie ?
- J’ai eu mon bébé et je suis partie. J’en avais assez. C’est mon copain Freddy qui m’a aidée.
- C’est tout ?
- Oui, c’est tout.
//

Quelques semaines plus tard, la décision tombe :

« Force est de constater le caractère peu convaincant du récit de l’intéressée. Ainsi, elle prétend avoir été mariée mais il nous paraît peu vraisemblable qu’elle ne soit présente à aucune cérémonie.
Par ailleurs, elle se montre confuse sur la date à laquelle elle aurait été mariée.
De même, elle dit être célibataire à la question 10 portant sur son état civil. Ensuite, on peut s’étonner du délai mis par la candidate pour prendre la fuite du domicile conjugal, surtout au vu de l’aisance avec laquelle elle a pu, à chaque fois le quitter pour les tâches ménagères quotidiennes qu’elle prétend avoir assumées.
Enfin, nous pouvons émettre des doutes sur les circonstances de son évasion. Notons que la requérante n’a entamé aucune démarche auprès des autorités supérieures de son pays afin d’obtenir une protection.
Dès lors, en l’absence d’éléments pertinents et probants permettant d’accorder foi aux dires de l’intéressée et établissant une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève, la présente demande est déclarée ////// irrecevable ».

Le recours de Salimatou a été rejeté.

A la rue, désespérée et malade, elle a frappé à la porte d’une association : le GAMS-Belgique (c’est à dire le Groupement d’hommes et de femmes africains et européens pour l’abolition des mutilations sexuelles féminines).

Salimatou apprendra que son excision est à l’origine de ses douloureux problèmes de santé.
Elle comprendra encore que, contrairement à ce qu’elle croyait, toutes les femmes du monde ne sont pas excisées, que l’excision n’est pas quelque chose de « tout à fait normal »… Elle me dira plus tard : « Mais tu sais, Maître Céline, avant, moi je croyais que toi aussi tu étais excisée » !

Elle expliquera alors seulement que ce qui a notamment provoqué sa fuite est son refus que sa fille Aminata soit excisée alors qu’elle était nourrisson. Elle était trop jeune.
Elle n’en a pas parlé lors de sa demande d’asile. Elle n’y a pas pensé. Elle ne savait pas que c’était important et puis,… on ne lui a pas posé la question.
Aujourd’hui, elle ne veut plus d’excision pour sa fille. Ni maintenant, ni jamais. Ce qui est certain, c’est qu’il ne faut pas que sa fille retourne en Guinée.
//

Mesdames et Messieurs du jury,
Mesdames, Messieurs,
//

Dans ma pratique quotidienne d’avocate à Bruxelles, j’ai été amenée à traiter plusieurs dizaines de dossiers similaires à celui de Salimatou, la dernière à m’avoir consultée au moment où j’ai préparé cette plaidoirie.

Ces femmes et ces enfants se retrouvent trop souvent dépourvus de titre de séjour –avec tout ce que cela implique de précarité et de vulnérabilité.

Je connaissais depuis longtemps la problématique des mutilations sexuelles mais j’ai seulement pris conscience de l’acuité de ce fléau au fur et à mesure de mon implication pour aider ces femmes auxquelles j’étais directement confrontée.
En parler est alors devenu pour moi une nécessité.

Que sont, très concrètement, les mutilations génitales féminines et d’où viennent-elles ?




L’excision peut être au moins de trois types : l’ablation du clitoris, des petites lèvres, des grandes lèvres avec toute une gamme de combinaisons possibles sans oublier l’infibulation qui consiste en la suture bord à bord de l’ouverture vaginale laquelle disparaît pour ne laisser place qu’à un minuscule orifice. Osons l’analogie : c’est de la pure boucherie !

Une même femme peut être excisée plusieurs fois à différents degrés et moments que ce soit à titre de sanction ou pour tout autre motif (à l’approche d’un mariage par exemple).
//
Sont concernés, pas moins de 28 pays africains, du Sénégal à la Somalie, en passant par la Guinée, le Mali, le Burkina Faso, le Tchad, le Cameroun, le Soudan, l’Ethiopie, etc. Sont aussi concernés différents groupes ethniques de la péninsule Arabique et d’Indonésie.
//
Les mutilations génitales féminines sont le plus souvent pratiquées en dehors des règles élémentaires d’hygiène. Une exciseuse (puisqu’il s’agit le plus souvent de femmes) utilise généralement la même lame plusieurs fois d’affilée sans la laver, avec toutes les conséquences que l’on imagine en terme de transmission de maladies, dont le SIDA.
//

Salimatou, elle, a été excisée à l’âge de 14 ans avec un simple tesson de bouteille… Elle n’avait pas été préalablement anesthésiée. Elle a été coupée à vif. Pour soigner son hémorragie, l’exciseuse a appliqué de la boue et un oeuf. Salimatou se souvient très bien de ses douleurs atroces.

L’excision est voulue dans le sang. Les douleurs sont même recherchées puisqu’il s’agit aussi d’un rite initiatique sensé prouver que la jeune fille est apte à supporter les futures souffrances de femme comme la défloration ou l’accouchement.

A la douleur physique, s’ajoute un traumatisme psychologique certain lié à l’acte terrorisant lui-même mais aussi souvent au sentiment de trahison parentale ou familiale qui l’accompagne.

Un des objectifs de l’excision est la domination sexuelle par l’atténuation ou la suppression du désir sexuel de la femme. La femme excisée n’a pas droit au plaisir, n’a pas droit à une sexualité, simple, respectueuse et partagée. Quand elle n’a pas tout simplement atrocement mal lors d’un rapport sexuel. En quelque sorte, la femme mutilée n’a pas droit à l’amour.

Le père de Salimatou avait vendu à celui qui allait être son mari le privilège d’ouvrir le vagin de sa future femme au couteau // ou par la force lors du premier rapport sexuel. Salimatou n’était rien d’autre qu’une valeur marchande et sa virginité une donnée économique…

De nombreuses filles deviennent incontinentes. Continuellement souillées, elles sont rejetées de tous.
Non excisées, ces femmes n’auraient pas pu contracter mariage.
Excisées, elles ne le peuvent plus non plus.

Des femmes devenues stériles sont fatalement répudiées.

Il n’est pas rare non plus qu’une femme ou un enfant meure des suites d’une excision (à cause d’une hémorragie, d’une infection, d’une maladie, d’un accouchement rendu difficile voire impossible, etc…).

A raison, l’Organisation Mondiale Contre la Torture assimile l’excision à la « torture classique ».

Les raisons invoquées pour perpétuer cette coutume sont multiples, y compris religieuses et cela alors qu’aucun texte sacré, d’aucune religion, ne prescrit cette pratique. Son maintien et même, dans certain pays, sa recrudescence s’inscrit donc uniquement dans une tradition extrêmement bien ancrée.

Dans certaines régions du monde, une femme non excisée fait l’objet des fantasmes les plus fous. Considérée comme impure, elle est bannie de sa famille et de sa communauté. Elle ne peut trouver d’époux puisque son clitoris est maudit ; il est la source de tous les maléfices.

Inutile de plaider le relativisme culturel. Certaines valeurs, comme celles qui sont ici en jeu, sont universelles et doivent être défendues au-delà de toute croyance culturelle. « La torture n’est pas la culture ».

D’ailleurs, dans la plupart des pays les plus concernés, les mobilisations contre l’excision sont bien plus importantes que chez nous.

Il ne s’agit pas de stigmatiser une population mais bien de combattre partout une pratique néfaste, comme toute autre pratique néfaste.





Nous sommes, nous aussi, directement concernés par le problème :
1) Premièrement, parce que dans nos sociétés multiculturelles ce sont nos propres fillettes (qui vivent chez nous et parfois même y sont nées) qui risquent d’être excisées si elles vont dans le pays d’origine de leur parent suite à un retour forcé ou le temps de simples vacances scolaires ;
2) Deuxièmement, parce que des excisions se passent aussi dans nos pays.

Il s’agit d’agir chez nous. Comment expliquer sinon que Salimatou se retrouve aujourd’hui dans une situation administrative, sociale et financière aussi difficile en Belgique alors que son besoin de protection était, dès l’origine, évident ?

Malgré des efforts récents, la problématique des mutilations génitales féminines est encore trop méconnue, y compris du personnel d’accueil des demandeurs d’asile, des policiers, des médecins, des enseignants, des centres psychosociaux, etc…

L’information est le premier pas de l’action. Avec elle, petit à petit, les choses peuvent réellement changer. L’ignorance reste en effet le plus grand obstacle à la disparition de l’excision alors que ces brutalités sont dénoncées, en tous cas depuis la fin des années 80, jusqu’au niveau international.

Ainsi, l’O.N.U. a décrété le 6 février (dans 3 jours) « journée internationale de lutte contre les mutilations génitales féminines ». A cette occasion, chaque année de par le monde, se tiennent colloques, conférences, débats,… et le sujet est abordé dans la presse.
Le phénomène concerne toujours aujourd’hui 130 millions de femmes, de jeunes filles et d’enfants à travers le monde et en menace 3 millions d’autres chaque année, selon l’Unicef.

Le travail de prévention des associations locales est méritant mais encore insuffisant à l’échelle du problème.
//
La lutte contre l’excision recèle de multiples facettes et s’inscrit dans des domaines fort différents : socio-économique, psychologique, médical, éducatif, culturel, juridique enfin.

Des combats sont à mener sur plusieurs fronts, entre autres :
- les moyens éducatifs à développer au Nord comme au Sud pour convaincre les personnes concernées qu’il est possible d’abandonner de telles pratiques sans renoncer aux valeurs de leur culture traditionnelle et donc, sans perdre leur identité ;
- entre autres encore : la question du reclassement social et « professionnel » des exciseuses ayant « déposé le couteau » et qui perdent leur gagne-pain.

Sur le plan juridique, les actions se situent tant au niveau répressif, qu’aux niveaux protectionnel, civil et administratif.
//
Je suis convaincue que le droit pénal, tout d’abord, est un outil de solidarité indispensable et efficace, qu’il s’agisse de législations spécifiques comme c’est le cas dans de nombreux pays africains et européens ou de la mise en œuvre de l’arsenal existant comme c’est le cas en France.

Des droits humains fondamentaux étant bafoués, il est à tout le moins indispensable d’affirmer qu’il s’agit d’une pratique interdite qui ne souffre aucune cause de justification possible.

Interdit, c’est interdit. Point. //

Inutile de plaider pour des excisions « médicalisées ». //

Aucun argument n’est recevable en faveur de l’excision, aucun. Il faut que cela soit dit et que cela se sache, partout et à tout prix.
//
En Afrique, 19 des 28 pays concernés condamnent déjà les mutilations génitales. Or, en pratique, ces lois n’empêchent nullement le phénomène de persister, par incapacité de l’Etat à faire cesser ces brutalités au mieux, par tolérance, voire complicité des autorités, au pire. C’est le cas de la Guinée, le pays de Salimatou.
//

La loi pénale ne suffit certainement pas à éradiquer l’excision mais elle peut y contribuer. Elle est utilisée par exemple par les militants des associations dans leur travail de prévention comme une preuve supplémentaire des dangers de l’excision (puisque c’est interdit). Au Sud, comme au Nord, l’interdiction renforce la légitimité de leurs actions.

L’information et la répression effective débouchent sur davantage de dénonciations explicites et in fine, permettent d’épargner plus d’enfants.

Depuis la fin des années 70, la France a connu plusieurs condamnations et a développé une jurisprudence de plus en plus sévère et innovante correspondant à une évolution certaine des mentalités. Le cas célèbre d’Hawa Gréou l’illustre bien. Elle a mutilé des dizaines de fillettes à Paris pendant plusieurs années.
Elle avait fait l’objet, dès 1984, d’une interpellation suite à une simple plainte pour troubles de voisinage. Sa voisine, cardiaque, ne supportait plus d’entendre à longueur de journées des nourrissons qui hurlent, des cris perçants et terrifiants. Malgré une dénonciation d’excision, dans un premier temps, elle n’est pas inquiétée.
D’autres personnes le sont pourtant puisque des procès pour excision s’ouvrent en France, d’abord devant le tribunal correctionnel pour coups et blessures volontaires sur mineure de moins de 15 ans et ensuite devant la Cour d’Assise pour violences volontaires sur mineures de moins de 15 ans ayant entraîné une mutilation.
En 1994, Hawa Gréou comparaît devant la Cour d’Assise. Elle est poursuivie pour excision à l’occasion d’un dossier ouvert suite à une demande de protection de filles contre des mariages forcés. Hawa Gréou est condamnée à un an de prison avec sursis. Les parents sont acquittés. Postérieurement à cette première condamnation, Hawa Gréou continue d’opérer. En 1999, elle comparaît à nouveau devant la Cour d’Assise et est condamnée cette fois à 8 ans d’emprisonnement. Des parents sont condamnés avec elle à des peines allant de 2 à 5 ans de prison avec ou sans sursis. Les victimes constituées parties civiles se voient accorder chacune un peu plus de 12.000 € de dommages et intérêts. Hawa Gréou se déclare aujourd’hui opposée à l’excision.

La loi française permettait déjà de sanctionner des faits d’excision commis à l’étranger mais seulement si la victime était de nationalité française. En 2006, une loi a étendu la protection à toutes les fillettes résidant principalement en France quelle que soit leur nationalité.

Le code pénal français punit le fait pour des professionnels, notamment les médecins, de ne pas porter à la connaissance des autorités judiciaires ou administratives les mauvais traitements ou atteintes sexuelles infligés à un enfant de moins de 15 ans, étant entendu que la loi précise aussi aujourd’hui que ce faisant, le professionnel n’encourt aucune sanction disciplinaire.

En Belgique, pays où ont atterri Salimatou et Aminata, la répression des mutilations génitales féminines fait l’objet, depuis 2001, d’une disposition spécifique : l’article 409 du code pénal qui punit :

« quiconque aura pratiqué, facilité ou favorisé toute forme de mutilation des organes génitaux d’une personne de sexe féminin, ou tenté de le faire, avec ou sans consentement de celle-ci. »

Le fait que la victime soit mineure est une circonstance aggravante (comme l’importance des séquelles, le but de lucre et de manière générale les situations de dépendance).

Le délai de prescription de 10 ans ne commence à courir qu’à partir du jour où la victime atteint l’âge de 18 ans.

Comme en France, le secret professionnel est levé et toute personne, professionnel ou simple citoyen qui ne signale pas le danger qu’encourt une fillette menacée de mutilations sexuelles, que celles-ci soient prévues en Belgique ou à l’étranger, se rend coupable de non assistance à personne en danger.

Par ailleurs, toute personne qui a participé à une mutilation sur une mineure, y compris à l’étranger, peut être poursuivie en Belgique à condition que l’auteur se trouve sur le territoire du Royaume.
//
Sur le plan protectionnel, pour protéger une petite fille de sa propre famille, le Procureur du Roi peut, en cas d’extrême nécessité, demander au juge de la jeunesse de la retirer de son milieu familial et de la confier à des tiers.
//

La protection des petites filles est également prise en compte sur le plan civil : en urgence, le juge des référés peut être amené à confier l’hébergement d’un enfant à un parent et interdire que l’enfant quitte le territoire, à condition, bien sûr, que le risque de mutilation soit établi de façon sérieuse.
//

En matière administrative, le statut de réfugié doit être accordé si le risque d’excision ou de ré-excision est détecté pour une femme ou une fillette.

Les principes directeurs sur la protection internationale du HCR incluent expressément ces violences sexuelles dans le champ d’application de la Convention de Genève et la directive européenne 2004/83 qui définit notamment le statut de réfugié l’a précisé également.

Traiter les cas de mutilations génitales sous l’angle de la protection maximale, celle du statut de réfugié est aussi la seule voie conforme aux engagements internationaux auxquels nos pays ont massivement souscrit en matière de droits humains, en particulier :
- la Convention contre la Torture et autres traitements ou punitions cruels, inhumains ou dégradants,
- la Convention internationale sur l’élimination de toutes formes de discrimination contre les femmes
- et la Convention internationale sur les droits de l’enfant.

//////
J’ai donc aidé Salimatou à introduire une nouvelle demande d’asile en Belgique, fondée sur sa crainte actuelle que sa petite Aminata soit excisée en cas de retour en Guinée. Sa demande a été prise en considération et est à l’examen.

Comme toutes les femmes et les hommes qui craignent une mutilation de leur fillette en cas de retour, il ne sera pas évident pour Salimatou de convaincre les autorités de sa bonne foi, c’est-à-dire de sa réelle volonté de ne pas exciser sa fille.

Si je peux comprendre que les Etats accueillants exercent un contrôle particulièrement strict des demandes d’asile qui leur sont soumises, je peux difficilement souscrire au scénario qui tend à considérer toutes situations, même les plus objectives, comme suspectes au seul motif qu’il peut y avoir des abus. A fortiori lorsqu’une protection est réclamée pour une fillette qui est née ou a principalement évolué dans notre culture.

S’agissant d’une fillette restée à l’étranger dont un parent demande la protection chez nous, le statut de protection subsidiaire devrait pouvoir être immédiatement et temporairement accordé à ce dernier dans l’attente de l’examen du fondement de sa demande d’asile. De ce fait, l’enfant concerné pourrait rejoindre son parent. En ce sens, je citerai la résolution du Parlement européen 2001 /2035 qui énonce que :

« la menace et/ou le risque de subir une mutilation génitale féminine peut justifier l’intervention de l’administration » des Etats membres.

///////
Tous les domaines d’action que j’ai évoqués sont complémentaires. Ils se déploient dans un combat plus large qui est finalement celui du développement et de la lutte pour la dignité humaine.

Je plaide pour que nous ne tarissions pas d’efforts parce que nos actions se renforcent mutuellement.
Je crois à la complémentarité de toutes les actions, internationales, nationales, associatives, au Nord, au Sud,…
Ensemble, il est possible de changer les mentalités, d’éradiquer petit à petit cette tradition cruelle et finalement de mettre un terme à des violences sans nom qui s’ajoutent aux autres discriminations que subissent déjà les femmes et les filles des communautés dans lesquelles elles sont pratiquées.



Actuellement, des ONG du monde entier militent activement pour la ratification par les Etats africains du Protocole de Maputo, adopté en 2003 par l’Union africaine en complément à la Charte africaine des Droits de l’Homme et des peuples.
Par ce Protocole, les Etats signataires s’engagent
à prendre « toutes les mesures appropriées, y compris au niveau législatif pour éliminer toute forme de discrimination et de violence à l’égard des femmes, en particulier les mutilations génitales féminines ».

Très concrètement, soutenir ce mouvement essentiel venant des pays les plus concernés passe aussi par une certaine pression politique internationale. Pourquoi ne pas prévoir l’adoption de ce protocole et son respect comme préalable à toute coopération ?
//

J’ai une petite fille, Eloïse, 15 mois. Quand je change délicatement sa couche en échangeant avec elle des grimaces, il m’arrive de penser à Salimatou.

Je suis une mère comme elle. Comme tout parent, nous rêvons du meilleur pour notre enfant. Salimatou sait maintenant comme moi que nous sommes chargées de prendre soin du jardin secret de nos fillettes pendant quelques années… Au nom de quoi le sort d’Aminata et d’Eloïse pourrait-il être différent ?

Je vous remercie pour votre attention.

 

babel
Posté le:
11/2/2008 08:30
Sujet du message:
encore le corps
Répondre            
Email:
babel@etoiles.net
Site Internet:
http://www.myspace.com/lebabel
ça se sentait bien qu'une saleté comme ça, charcuter pour dominer, ça ne serait pas facile à justifier. Alors, comme toujours pour massacrer le coeur léger, on a sacré tout ça. Du coup, la crainte a rendu les gestes obligatoires. Les pires saletés sont ou bien cousues d'or, ou bien sacrées.
Cette plaidoirie est magnifique; la voix sobre de l'avocate en dit long.
J'ai juste envie de lui dire merci.
J'ai lu un article sur un peuple qui, de nos jours et depuis longtemps, fait très attention à rendre ses jeunes filles belles et sveltes, mais une fois mariées : elles doivent grossir, et cesser d'être désirables. Les maris tranquilles peuvent vaquer à leurs affaires !
Dieu, la nature, le hasard ou ce que vous voudrez (ce n'est pas la question) s'acharne à nous faire exister, à nous faire jaillir du néant, et nous, on s'acharne à rendre ça douloureux, ou même à l'empêcher...

"Des droits humains fondamentaux étant bafoués, il est à tout le moins indispensable d’affirmer qu’il s’agit d’une pratique interdite qui ne souffre aucune cause de justification possible.

Interdit, c’est interdit. Point. "
 

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