le forum de julos

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   Trier par date décroissante
Laure
Posté le:
1/2/2008 17:26
Sujet du message:
La chaise vide de Gevorg
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Je suis la maîtresse de Gevorg, le fils de Karin et Armen, qui est arrivé en
CP dans ma classe l'an dernier. Je suis la maîtresse de Gevorg qui a disparu
de ma classe vendredi 16 novembre en laissant toutes ses affaires, même ce
gros bâton de colle dont il est si fier.

Je suis la maîtresse de Gevorg et d'autres encore dans la même situation,
qui voient sa chaise vide tous les jours et qui savent que leur tour peut
arriver.


Je suis la maîtresse de 22 enfants de 6 ans qui apprennent qu'en France un
enfant peut être obligé de s'enfuir de nuit avec sa famille parce qu'il
n'est pas français. Je suis une maîtresse qui doit enseigner à 22 enfants,
qu'on est tous égaux, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs, que les
lois sont faites pour nous protéger, que c'est ce qu'on appelle les droits
de l'homme dont on est si fier en France.

Je suis une maîtresse qui doit arriver à faire comprendre à 22 enfants que
l'on doit résoudre les problèmes en s'expliquant, et que lorsqu'on est dans
son droit on sera écouté et protégé.

« parce que c'est ça la justice, hein maîtresse ? »


Je suis la maîtresse d'autres enfants sans papiers qui me regardent faire
l'appel sans Gevorg et qui continuent à apprendre à lire dans la langue d'un
pays qui ne veut pas d'eux. Je suis une maîtresse parmi tant d'autres qui
devraient tous les jours essayer d'expliquer l'inexplicable, accepter
l'inacceptable, et ravaler cette rage et ce dégoût d'être la fonctionnaire
d'un Etat qui mène une chasse à l'homme abjecte et dégradante.

Aujourd'hui je voudrais vous faire comprendre à quel point mes collègues et
moi-même sommes choqués par ces drames humains, par cette politique de
chiffres, de pourcentages et de quotas appliquée à des personnes, des
hommes, des femmes et des enfants.

Je voudrais vous faire comprendre à quel point cette souffrance engendrée
par cette politique, devient ingérable, insupportable pour nous, comme pour
les enfants et les familles concernées. Je voudrais vous dire à quel point
nous avons mal devant ces bureaux vides, ces cahiers abandonnés et ces
stylos que personne ne vient réclamer.

Je voudrais vous dire à quel point j'ai peur d'arriver en classe et d'avoir
perdu Gevorg ou Alexandre ou un autre encore, parce que, non, ce ne sont pas
des numéros ou des quotas, mais parce que je les connais, je connais leurs
sourires, je connais leurs yeux.

Nous n'en pouvons plus de nous taire et de voir des familles en danger
rejetées en toute connaissance de cause ! Nous n'en pouvons plus de nous
demander en permanence ce qui va leur arriver là bas ! Nous ne voulons plus
être complices de non assistance à personne en danger.

Je voudrais vous faire partager cette réflexion de William Faulkner : « Le
suprême degré de la sagesse est d'avoir des rêves suffisamment grands pour
ne pas les perdre de vue pendant qu'on les poursuit. » Alors merci à tous
d'être là et de partager le rêve de Karin, Armen, Alexandre Gevorg et
Grigory leurs enfants: vivre sereinement auprès de nous, venir chaque matin
à l'école, et que ce rêve, avec eux et avec tous ceux qu'on veut chasser
hors de notre pays, on ne le perde pas de vue."

- Laure, professeur des écoles à Montélimar




 

aurelie
Posté le:
1/2/2008 22:12
Sujet du message:
chez nous aussi
Répondre            
Site Internet:
http://Parfum-d-edelweiss.over-blog.com/
cela arrive aussi chez nous, et c'est bien triste 

Francoise
Posté le:
2/2/2008 16:12
Sujet du message:
celui qui se tait est complice!
Répondre            
 
Merci Laure pour ce témoignage. Il faut dire, il faut crier, il faut hurler chaque fois qu’on nous brise le moindre petit pas que nous faisons vers ce chemin des droits de l’homme.
Il faut dire, il faut crier, il faut hurler comme les loups hurlent à la mort car c’est l’humanité qu’on assassine. Le problème n’est pas français, ni belge ni même européen comme je le croyais encore hier. Le problème est planétaire et c’est le profit qui gère la misère !

Hier midi, j’ai partagé un repas de solidarité avec les sans papier de notre région. Un spaghetti préparé par Magmoud (qu’il me pardonne l’orthographe…j’écris comme il me prononce son nom). En apéritif, des textes écrits dans un atelier d’écriture auquel ils ont participé sous la houlette d’Alba, comédienne au théâtre du copion. Des récits de vie là-bas et ici…partout sur cette terre où la misère règne en dictature. Les textes seront exposés dans les rues de La Louvière prochainement.

Dans l’assemblée, une députée qui a accompagné la dernière délégation ministérielle au Congo, nous a parlé des camps de réfugiés ouverts par l’Unicef pour protéger les enfants et les femmes violées par les guerriers, des baraquements en tôles ondulées recouvertes de branchages avec un seul point d’eau. Elle nous a parlé de la remise de la dette et des nouveaux vautours qui rodent à coup de lobbying. Une information à ce sujet paraîtra dans le prochain numéro de la revue « Imagine »

Il faut dire, il faut crier, il faut hurler parce que, comme vient de l’écrire Julos : « ….Je suis responsable de mon avenir, de l'avenir de toutes et de tous, je suis responsable de l'avenir de toute la planète, responsable de tout ce qui arrive à toutes mes cohabitantes, à tous mes cohabitants, je suis responsable de ces 6 milliards et demi de femmes et d'hommes. Je ne suis pas un touriste sur la terre, je suis un membre de l'équipage du vaisseau spatial "terre"…. »


 

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