Les nouvelles d’ici, même dernières, m’ont dégouté de les lire depuis plusieurs années. Alors, j’apprends, ici de toi, les choses de ma ville. Une amie éducatrice, de passage, m’a expliqué, selon son souvenir. Je sais maintenant pourquoi ce lundi-là, j’étais en retard. C’était « à cause du tram», qui finalement a dit de sa voix fluette aux passagers massés sous la pluie : « toutes les rames circulent désormais normalement ». Puis, le mot « incident » a été effacé du tableau d’affichage électronique... » : "incident". La tension des lignes anonymes est souvent palpable. Et les téléphones portables y sont pour beaucoup. Un autre jour, le matin tôt, comme tous les jours du rap grésille par un mauvais hautparleur, mais à comme à voix haute. Les trois jeunes, fiers regardent le malaise qu’ils créent. Nul ne peut savoir dans les plis de quel blouson est caché le diffuseur de rage. Je les connais. Trois mauvais élèves, quelques années avant. Trois dérives continuées. Je leur parle. Leur demande d’arrêter pour l’image qu’ils donnent des autres qui leur ressemblent. Ils se payent ma fiole. Finalement, un autre passager leur parle sèchement en arabe. Alors, ils stoppent le bruit syncopé, et descendent de la rame, sans mot dire, tête basse, obéissant. Et j’entends la rumeur gonfler alors dans le tram : « Il faut parler arabe maint’ nant pour s’faire respecter ? ». La mort d’Orhan n’est pas tombée du ciel. Elle est montée de la terre, de notre sol, des insultes et des mépris qui gonflent des abcès. Le pire est de savoir que la haine qui a déjà tué s’est déjà encore nourrie , abreuvée à ce sang-là. Les morts dit Homère, se ruent vers le sang versé pour le boire. Les morts se ruent vers le sang versé pour le boire |