Benazir Bhutto… Ah, tout d’abord, se recentrer…. Ce matin, j’ai mis mes lunettes et pris ma règle. J’ai tracé bien droit une réponse carrée à Agnès sur le blanc, la blancheur, la « branchitude » et le blanchissement. C’était une réponse carrée, bien aux normes, si carrée qu’elle ne faisait que penser, et à ce titre aussi humaine qu’une statue. Animons-la… Quelque part, il y a de la féminité, de négrité, et même de la « pakistanité » : toutes ces sources de toutes nos facettes. Et il y en a en moi, de toutes ces choses qui finissent en « ité ». Mais cela dort, cela dort. Déposé en moi, c’est de la branchitude, de la négritude, de la « pakistanitude » qui dort. Un sang peut-il les réveiller, belles au moi dormant ? Un jour, peut-être et ils et elles veilleront, en moi. Déjà, certains et certaines de mes capacités veillent ainsi. Que passe un blanchissement, un noircissement, un « pakistanissement », ils se lèveront, ils me lèveront . Et j’irai dans la blancheur, dans la noirceur, dans la « pakistaneur ». Même si aucune de ces occasions pourtant ne passait, pourtant, parce qu’ils sont éveillés, je suis entier…. Car, consanguin de toute chose, tout bien pensé, humanisé par la poésie, je fais miennes ces paroles projetées par Julos comme une arme de construction massive : « Je suis l’homme, je suis l’enfant, Je suis la femme noire, la femme jaune, l’homme noir, l’homme jaune, l’homme blanc je suis l’oiseau et le poisson et la tortue et le cheval qui court.Je suis l’herbe et l’arbre.Je suis la mer et la montagne. Si je fais du mal à une partie de moi, à l’enfant qui est en moi, à la femme qui est en moi, de n’importe quel pays, de n’importe quelle couleur, je me fais du mal à moi-même. Aussi ai-je souvent mal à toutes ces parties de moi mutilées, torturées, affamées, en quelque lieu du monde. Le jour approche où je serai entière et entier, où j’aurai assumé ma féminitude, ma mâlitude, ma négritude, ma jaunitude. Je suis l’homme, je suis l’enfant, Je suis la femme noire, la femme jaune, l’homme noir, l’homme jaune, l’homme blanc. »
Ce soir, je suis Bush et « Busharraf », je suis kamikaze et policier complice, car tout cela aussi est en moi. Je suis partisan de Mme Bhutto, et je suis femme burqatisée, chosifiée. Je suis la musique interdite, et le taliban qui l’interdit. Je suis éparpillé en mille éclats. Mais honnêtement, j’ai plus de chances que beaucoup. Mon corps n’en saigne pas. Mon futur possède un minimum garanti par les accords internationaux. Je ne suis pas physiquement mort ce soir.
Et dans la détresse d’une famille assassinée de père en fille, d’un peuple qui dérive sous les bottes des milices et les filets des fanatiques, je sais que nos dirigeants sont d’autant plus consternés que c’est la paix qui vient de s’éloigner encore plus, et la guerre qui s’approche, qui sème ses racines pour se nourrir dans nos quartiers, où de plus en plus de gens ne voient pas comment demain sera sans un choc des cultures et des civilisations. Ce choc, s’il a lieu, aura lieu aussi dans les cours de nos immeubles, de nos écoles.
Bénazir a remis du rouge à lèvres, ce qui est un péché public pour les islamistes, et un camélia rouge catafalque lui a donné le baiser final… La Pakistan (cet autre état refuge, fondé comme Israël, un an après, avec les mêmes problèmes) cela veut dire, le « Pays des Purs », des Purs musulmans, dans ce cas, et sa capitale fut Islam-abad (ville de l'Islam). À fonder des états en forçant les frontières, en plantant des religions comme souveraines, on bâtit l’illusion d’être en droit de purifier les zones métisses. Il est temps d’être chargé de nos impuretés, composé de toutes les nuances des autres puretés. Il est temps de poser sur les charias de tous les fous de tous les dieux et des pas-de-dieu, la douce empreinte d’un rouge à lèvres, la promesse d’un baiser.
babel, remerciant Julos des mots donnés comme alphabet dans ce chaos, le 28 XII 07, 03 h 05. |