Elle est arrivée ici quand elle avait vingt ans et elle a décidé d’angliciser son nom. Son frère et elle se sont mariés le même jour, lui le matin, elle après midi et chacun fut le témoin du mariage de l’autre.
Au gris des automnes, ses saris et son sourire illuminaient la cour de récréation où nous attendions nos petits à la fin de leurs classes. Tenant Mita et Sam par la main, nous descendions la rue en poussant devant nous Tim et Manesh dans leur buggies. Dès qu’ils arrivaient chez eux, Mita et Manesh allaient vers leur grand mère et Nelly retournait au travail qu’elle partageait avec son mari, derrière la vitre du bureau de poste. Depuis trente ans, elle m’aidait à envoyer aux quatre coins du monde les cadeaux de Noel et d’anniversaire et les lettres recommandées. Chaque fin d’aout, les enfants allaient dans son magasin choisir des nouveaux crayons et cahiers pour la nouvelle année scolaire. Mes enfants ont connus grâce a Nelly et sa famille les fêtes hindoues, les rituels des mariages gujarati et les longs repas parfumés d’épices et du grand rire en cascade espiègle de Nelly.
Les enfants ont bien grandis et au festival des lumières, Divali, de l’an dernier, ils jouaient tous ensemble au poker baroque tandis qu’à la cuisine les mamans buvaient une potion magique au rhum. Nelly, la maman universelle de toute la famille grandissante de cousins et de petits enfants, ne venait plus que rarement au bureau de poste : les affaires marchaient bien et elle pouvait se permettre des voyages. Je me souviens de ses photos après son premier voyage aux USA. Pas politiquement correcte, Nelly avait photographié le plus possible de gens dont la peau, disait-elle, allait se fendre endéans l’année.
Aujourd’hui, les femmes et les enfants ont posé des fleurs tout autour de Nelly, si menue après sa maladie et soigneusement maquillée dans son beau cercueil tout en couleurs. Mita a parlé de la force de Nelly, des années dures où ses parents travaillaient 18 heures par jour. Manesh a parlé en souriant avec beaucoup de courage de sa maman qui avait l’habitude de chaparder un piment rouge quand elle allait au restaurant. Il a promis de continuer cette tradition et pour bonne mesure, un piment rouge bien piquant est monté en flammes avec Nelly. |