Ah si l'amour prenait racine Dans mon jardin j'en planterais J'en planterais j'en sèmerais aux quatre coins J'en ferais part à mes amis qui n'en ont point Extrait d’une vieille chanson française
-------------------------------------------------------------- Le lac Écrit par Julos Beaucarne "Ô Lac, l'année à peine a fini sa carrière et près des flots chéris qu'elle devait revoir, regarde je viens seul m'asseoir". C'est terrible je ne peux pas continuer ce poème tellement ça m'prend aux tripes, celui qui a écrit ça il s'appelait Alfred, c'était un poète parce que vous savez les poètes, ils s'adressent aux choses comme si c'étaient des gens : Ô Lac qu'il dit, allez-vous, commun des mortels, parler à un lac, on va vous prendre pour un "louf", pour un "maf", pour un "maboul", un trois quarts sot, mais les poètes ils peuvent faire ça, ils ont la permission". Ô Lac, l'année à peine a fini sa carrière, quel rythme là-dedans on dirait du rock. Attention quand il dit : "l'année a fini sa carrière", il veut pas parler d'une carrière de pierre de France, d'Ecaussinnes ou de Gobertange, il veut simplement dire que l'année est terminée... enfin, mais s'il avait dit : "l'année est terminée" mais ça aurait été plat n'est ce pas? Toute la poésie aurait foutu le camp. "Ô Lac, l'année à peine a fini sa carrière et près des flots chéris qu'elle devait revoir". Ici on s'rend compte qu'il y a quequ'chose qui ne va plus, que l'ménage allait sur une fesse, qu'elle lui a renvoyé ses lettres et qu'il est tout seul et il traduit si bien cette solitude dans ces vers : "regarde je viens seul m'asseoir sur cette pierre où tu la vis s'asseoir", il a une mémoire, ce garçon-là, une mémoire d'éléphant, il se souvient exactement de l'endroit... où était la pierre, il ne nous dit pas si elle était ronde, carrée ou rectangulaire, vous savez pourquoi? C'est pour nous faire rêver... C'est pour nous faire rêver... à la forme... de la pierre mais quel métier! "Ô Lac, l'année à peine a fini sa carrière". Remarquez bien c'est très important ça, il s'adresse toujours, toujours que c'en est obsédant, il s'adresse toujours au Lac... c'est un interlocuteur social valable, il ne répond jamais. Je ne sais plus au bord de quel lac c'était, c'était peut-être au bord du Lac des 4 cantons, du Lac de Neuchâtel, du Lac de Lugano, mais ce n'est pas la position géographique du lac qui est importante ici, ce qui est important c'est ce qu'Alfred a ressenti... devant cette dame qui était, semble-t-il, la plus belle femme du monde, d'ailleurs il ne la décrit pas, on a raison de dire que quand il y a une belle betterave, c'est toujours pour un laid cochon, et puis il faut vous imaginer comment c'était à ce temps-là, la nature avait encore toute sa majestuosité : pas de pollution, on pratiquait encore la polyculture dans le cadre de l'auto-suffisance, l'eau du lac était claire comme ce n'est pas possible... vous lanciez une pièce et vous la regardiez descendre jusqu'au fond comme un noyé pensif, les oiseaux étaient abondants, abondants, abondants. "Ô Lac, l'année à peine a fini sa carrière". Remarquez bien il aurait pu dire des choses beaucoup plus banales, par exemple : "Il neige sur le lac Majeur, j'ai tout oublié du bonheur", non, attention c't un poète ce garçon-là. "Un soir" t'en souvient-il, nous voguions en silence, on entendait au loin sur l'onde et sous les cieux que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence : "flotch... flotch..." les flots harmonieux". Je ne sais plus au bord de quel lac c'était, mais bien sincèrement là, entre 4 yeux, barbe à barbe, que ce soit au bord d'un lac suisse, français ou italien, québecois ou belge, en l'occurrence, ce n'est quand même pas cela qui est le plus important, le plus important c'est ce qu'Alfred a ressenti, c'qu'Alfred a voulu projeter en poésie, c'qu'Alfred a voulu traduire, exprimer avec tous les mots qu'il avait appris dans les dictionnaires... dans le dictionnaire Larousse, dans le Robert, dans le Littré, avec tout ce qu'il savait avec tout ce qu'il connaissait... Alfred? Alfred? Mon Dieu Seigneur, mais ce n'est pas Alfred qu'il s'appelait, c'est Alphonse! Bah! Ça n'fait rien, ça n'a pas d'importance...
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