La corrida est un rubis de sang taillé dans le cynisme le plus sauvage, posé aux doigts des mises à mort dans la grande arène terrienne... Regardez bien à chaque toro lâché dans un village, à chaque banderille dans un dos, c'est le ballet de nos rages qui s'habille de traditions et de paillettes. L’arène est ronde comme le monde : c’est notre monde en petit, pour ceux qui veulent un monde avec mise à mort incorporée. La corrida est ainsi faite pour dire en petit et en fanfares ce que nous faisons dans ce grand cercle terrien : mettre à mort avec un art raffiné du déguisement et de la mise en scène, pour ne pas avouer nos goûts de voir la mort danser dans les yeux des autres. Quand les temps les permettent, les jeux ajoutent des humains aux joutes où la mise à mort est déjà prévue, sous presse en page des sports, ou bien dans le silence des raisons d’État... Ne me parlez pas de ces fêtes, l'air en est trop funèbre... Les lames pénètrent un animal aveuglé de soleil et de rage, et le sang coule… Augustin voulant montrer qu’il avait changé accompagna un jour un ami au cirque, certain de pouvoir contenir sa violence, ne fusse qu’en fermant les yeux. Il raconte avec tristesse comment attiré par les cris, aiguillonné par le souvenir des excitations passées, il a rouvert les yeux et hurlé avec les loups. Toute notre prédation est mis en haut de l’affiche, exemple à suivre ! Les épées tranchent les nerfs, affaiblissent la victime qui n’a plus aucune chance d’en sortir. Les missiles bombardent les infrastructures, un embargo étouffe l’économie, et l’ennemi déjà est vaincu. Qui m’a dit l‘autre jour la vieille expression « il pleut comme à Gravelotte ? » Le 18 août 1870 , les obus y tombèrent tant, à Gravelotte en Moselle, que l’expression est née. C’était il y a 137 ans, et peu s’en souviennent. Dans chaque corrida, goutte à goutte, toro après toro, il finit par pleuvoir de la mort comme à Gravelotte, comme à Bagdad, à Verdun, le sang dégoutte de notre arène terrienne. J’aurais préféré qu’il dégoûte... |