Après chaque séjour au village tropical, le retour à la ville avec la foule de gens, les distractions bruyantes, les véhicules et les bâtiments élevés lui paraissait étrange. Il se demandait souvent quel était l'impact global d’une métropole de cette envergure. Tous ces gens avait-il jamais goûté un fruit qu’ils avaient cueilli eux-mêmes à l'arbre, ou un champignon coupé dans un pré? Il avait remarqué la provenance de certains des articles en vente dans un magasin proche de la gare : du mouton de la Nouvelle-Zélande, des petits pois du Kenya, des fleurs d'Afrique du Sud, des myrtilles du Chili. Et les portes d'acajou et les meubles des élégantes maisons alignées le long de la rue, et le teck des fauteuils des jardins? Combien de ressources avaient été puisées dans le delta du Niger ou en Guinée Equatoriale ? Il acheta un journal à la gare et fut surpris d’y trouver une discussion sur la donation d’Otto Keres. La donation représentait une somme inimaginable. Toute son attention s’était concentrée sur l’article qui mentionnait la recherche de la faune et de la flore des canopées et il rata son train. Sachant qu’il voulait de toute façon en savoir plus sur cette donation, il décida de passer quelques jours à Londres.
Il téléphona à sa mère pour lui dire qu'il était bien arrivé, mais qu’il devait s’occuper de quelques détails avant de rentrer chez lui. Ensuite, il appela son vieux professeur universitaire, Andrew Redstone, pour lui demander comment il pourrait s’informer sur cette étonnante donation. Le Professeur Redstone s’était toujours intéressé à James et avait suivi de près sa carrière. Protozoologiste et épidémiologiste distingué, Redstone était expert en maladies tropicales et en avait connu quelques unes très personnellement. Après quelques pintes, il était enclin à décrire en détail comment il avait découvert son infestation par un ver solitaire extrêmement reproductif.
Le professeur était heureux d’avoir des nouvelles de son ancien étudiant et fixa un rendez-vous pour le déjeuner du lendemain. |