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babel |
Posté le: 24/5/2007 08:27 | Sujet du message: te lire à m'en faire déborder les yeux | |
Email: babel@etoiles.net | |
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On devrait pouvoir demander chaque soir à qui l’on croise : « Bonne journée ? Et qu’as-tu lu de beau ? » Une journée sans lire est une journée morte, une coquille sans huître, une coupe sans champagne. Il y a toujours quelque chose à lire : j’ai ôté mes lunettes ce matin — privilège de l’âge — pour décrypter les petits caractères sur la boîte du cacao. Pas de doute : ils ont bien fait de l’écrire en petit.. Mais de là à écrire le reste en gros caractères criards ? Tout est à lire. Tout. Pas seulement les lettres et les chiffres imprimés et peints en divers alphabets. Les feuilles des arbres sont à lire, nouvelles fraîches, demandez le printemps ! invasion de pucerons sur la cinquième branche, tous les détails en feuille verte… Les colliers des chiens, les poses des chats, l’envol des pigeons sont à lire : feuilleton à suite infinie Les vêtements des usagers du tramway marmonnent leurs histoires Le fard des jeunesses impétueusement décidées à séduire coûte que coûte, vaille que vaille, Les efforts musculaires du mâle trop solitaire à son goût, La peur d’une tant vieille qui se sent en danger, malgré son sac à main fermé, dans toute cette foule où nul n’est une rambarde où accrocher sa faiblesse La poussière déposée sur le pare-brise, et que les essuie-glaces ont déplacée avec soin, traçant deux dunes dans le désert minéral où le soleil se givre Les grésillements des mini écouteurs dans une file d’attente Les soupirs d’une femme que son enfant exaspère, (à son doigt, j’ai lu la solitude sans alliance dorée) Tout est à lire Devenir lecteur du monde, ce n’est pas un luxe, mais un enjeu vital, car pour lire, il faut se mettre en état de recevoir, accueillir et accepter la page telle qu’elle est : les façades mornes y deviennent des strophes où les étages sont des alexandrins. Lire le monde, c’est à chaque instant apprendre l’existence de la moindre brindille, accusé-réception de toute vie, et modifier mes arrêtés personnels, mes impératifs catégoriques, parce que lui comme elle, là, me chantent une autre chanson, ou la même sur un autre ton Avez-vous bien lu de belles choses ce jour ? Dites-moi, qu’avez-vous lu ce jour ? |
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François France |
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« et pourquoi en toute chose un rien me ramène à toi ? pourquoi chaque mot plié ou déplié est un gong qui retentit pas seulement la litanie des évidences que je pourrais multiplier à l’envi (mots du temps d’avant comme ceux du temps d’après) clarinette triple-saut magie sourire été zéro la lettre m et au-delà des mots les choses mêmes le vent dans les herbes une douce lumière qui s’amenuise le soir entre les chênes [...] à chaque seconde de notre vie ce pendule imperceptible qui nous heurte je pourrais en permanence tout relire tout reconstruire à partir de ça (n’importe quel mot n’importe quelle image n’importe quel rien de n’importe quelle chose) pourquoi ? je n’imagine pas de réponse que je ne connaisse déjà plus ou moins et qui ne confirme la part radi- calement inconsolable du deuil » (Bernard Chambaz)
----- Message d'origine ----- On devrait pouvoir demander chaque soir à qui l’on croise : « Bonne journée ? Et qu’as-tu lu de beau ? » Une journée sans lire est une journée morte, une coquille sans huître, une coupe sans champagne. Il y a toujours quelque chose à lire : j’ai ôté mes lunettes ce matin — privilège de l’âge — pour décrypter les petits caractères sur la boîte du cacao. Pas de doute : ils ont bien fait de l’écrire en petit.. Mais de là à écrire le reste en gros caractères criards ? Tout est à lire. Tout. Pas seulement les lettres et les chiffres imprimés et peints en divers alphabets. Les feuilles des arbres sont à lire, nouvelles fraîches, demandez le printemps ! invasion de pucerons sur la cinquième branche, tous les détails en feuille verte… Les colliers des chiens, les poses des chats, l’envol des pigeons sont à lire : feuilleton à suite infinie Les vêtements des usagers du tramway marmonnent leurs histoires Le fard des jeunesses impétueusement décidées à séduire coûte que coûte, vaille que vaille, Les efforts musculaires du mâle trop solitaire à son goût, La peur d’une tant vieille qui se sent en danger, malgré son sac à main fermé, dans toute cette foule où nul n’est une rambarde où accrocher sa faiblesse La poussière déposée sur le pare-brise, et que les essuie-glaces ont déplacée avec soin, traçant deux dunes dans le désert minéral où le soleil se givre Les grésillements des mini écouteurs dans une file d’attente Les soupirs d’une femme que son enfant exaspère, (à son doigt, j’ai lu la solitude sans alliance dorée) Tout est à lire Devenir lecteur du monde, ce n’est pas un luxe, mais un enjeu vital, car pour lire, il faut se mettre en état de recevoir, accueillir et accepter la page telle qu’elle est : les façades mornes y deviennent des strophes où les étages sont des alexandrins. Lire le monde, c’est à chaque instant apprendre l’existence de la moindre brindille, accusé-réception de toute vie, et modifier mes arrêtés personnels, mes impératifs catégoriques, parce que lui comme elle, là, me chantent une autre chanson, ou la même sur un autre ton Avez-vous bien lu de belles choses ce jour ? Dites-moi, qu’avez-vous lu ce jour ?
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babel France |
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Un grand merci François, déjà pour ton recueil, "La Madrague du presque rien" : j'ai reçu l'exemplaire n° 22. Et je le lis. Merci aussi pour cette réponse : les sonorités, le rythme de ces phrases, le décor et les ambiances me montrent de nouveaux horizons, comme des fraîcheurs, hors de mes répétitions... C'est agréable de voyager ainsi à dos de phrases. |
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Véronique Belgique |
Posté le: 24/5/2007 10:24 | Sujet du message: RE: te lire à m'en faire déborder les yeux | |
Email: v.hennuy@cybernet.be | |
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Au jour d'aujourd'hui, j'ai vu un bourdon acrobate s'empoussièrer les ailes de pollen généreux dans la corole d'une fleur de rhodo rose. J'ai vu que le croisement de deux pétales bleus du géranium vivace formaient un coeur à contre-jour. J'ai vu le centre d'une rose Abraham Darby savoureusement parfummée prendre une forme de foetus à l'image des photos d'Anne Geddes. J'ai vu un petit écureuil chiper le pain destiné aux oiseaux à deux mètres de moi et s'enfuir en bondissant derrière un panache roux doré par le soleil. Ah, Babel, quelle belle journée ce fut là! Et ce soir, je pense au somminet qui réunit Yo, Loue et Julos, et je leur envoie un grand sourire et une chaleureuse embrassade.
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Martine France |
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Moi j'ai vu des milliers d'étoiles scintillant dans les yeux de deux amoureux. Un petit couple fidelio tout neuf, sorti de l'oeuf! Leur bonheur éclaboussait tout autour d'eux et leur amour m'inondait de joie. Ils ont 50 ans tous les deux et renaissent à la vie.
La plus grande bibliothèque du monde est là, à notre portée, dans le regard de chaque personne croisée.
----- Message d'origine ----- Au jour d'aujourd'hui, j'ai vu un bourdon acrobate s'empoussièrer les ailes de pollen généreux dans la corole d'une fleur de rhodo rose. J'ai vu que le croisement de deux pétales bleus du géranium vivace formaient un coeur à contre-jour. J'ai vu le centre d'une rose Abraham Darby savoureusement parfummée prendre une forme de foetus à l'image des photos d'Anne Geddes. J'ai vu un petit écureuil chiper le pain destiné aux oiseaux à deux mètres de moi et s'enfuir en bondissant derrière un panache roux doré par le soleil. Ah, Babel, quelle belle journée ce fut là! Et ce soir, je pense au somminet qui réunit Yo, Loue et Julos, et je leur envoie un grand sourire et une chaleureuse embrassade.
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Jilber France |
Posté le: 24/5/2007 21:37 | Sujet du message: RE: te lire à m'en faire déborder les yeux | |
| Site Internet: http://jilber.fr |
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J’ai lu ton visage et tes mains le vent et l’amer l’océan des riens et le tout qui patiente à l’ombre des dunes de mon désert
J’ai lu mon reflet dans l’eau troublée des souvenirs cheveux de femmes déliés de mes jours après jours
J’ai lu l’absence surtout de mots d’amour à vos lèvres immobiles à en pleurer et mon ciel bleu maculé sans cesse de soleils couchants
Je n’ai pas lu tous les livres mais fuir cependant n’emporter que pages blanches et restes d’espérance
Écrire enfin mon temps retrouvé
25-V-07
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