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Véronique Belgique |
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"J'ai le contraire du rire dans la peau, j'arrive pas à le faire sortir..." (Julos - CD Tours, temples et pagodes post-industriels)
Pourquoi le contraire du rire entre-t-il un jour dans votre corps, sans crier gare, comme une mauvaise grippe? Pourquoi reste-t-il collé à la peau, ôte-t-il le goût du jour qui nait, le goût de l'instant, le goût de tout?
Il entre un soir sans s'annoncer, s'installe chez vous comme dans un bon fauteuil, il se déchausse, il se met à l'aise, il prend de l'ampleur, puis vous n'arrivez plus à le mettre hors de chez vous, il s'incruste. Il repeint les murs en gris, il condamne les fenêtres et il débranche le téléphone. Il se nourrit de vos peurs et ne sort jamais les poubelles, les déchets s'accumulent. Là où embaumaient les roses, ça devient irrespirable.
Le contraire du rire s'étend telle une épaisse couche de sable qui recouvre la source de vos richesses personnelles, la rend inaccessible, comme si elle était à jamais tarie. Il se plait à camoufler toutes les belles choses en vous et autour de vous.
Pourquoi, ma belle, ma douce, le contraire du rire est il entré chez toi, est-il venu se glisser, sournois, dans tes vêtements, par quelle faille de ton âme, toi qui avais un si beau rire, toi qui riais tant et plus de tout, avec une grande vivacité d'esprit, rien ne t'échappait, tu étais de toutes les fêtes. J'ai tant de souvenirs de nos enfances lumineuses, de feux de camp où nous chantions et riions jusqu'au bout de la nuit, à en avoir le lendemain des crampes aux zygomatiques. Toi qui croquais la vie si pleinement, toi qui étais tellement libre, te voici aux prises avec des angoisses démesurées, avec la migale du désespoir qui ronge le coeur et tisse sa toile.
Le contraire du rire t'empêche de recevoir la beauté autour de toi et de t'y réchauffer, ton récepteur d'amour est mis sur "off", tu ne reçois plus le positif, tu es coupée du monde, coupée de toi.
Et j'entends ces jours-ci cette phrase persistante, compagne qui murmure : "J'ai le contraire du rire dans la peau, j'arrive pas à le faire sortir..."
Je veux croire qu'un matin tu t'éveilleras avec une petite joie au bord des yeux, une lumière timide qui se montre à peine. Tu sentiras quelque chose qui ressemble au goût de la vie sourdre au fond de toi, presqu'imperceptiblement. Tu te diras peut-être, sans même oser y croire, que tu as traversé ton tsunami personnel, que presque tout a été dévasté mais que tu es vivante. A nouveau tu sentiras la pulsation de la vie en toi.
Moi je guette ta traversée, attentive sur la rive, j'attends ardemment que tu fasses ton chemin, ma pensée comme un foulard doux ne te quitte pas.
J'ai l'espérance de ton grand rire clair à nouveau et de ton regard qui regarde bien droit, bien loin devant.
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babel |
Posté le: 30/4/2007 16:20 | Sujet du message: un jour, le contraire du rire m'a mordu | |
Email: babel@etoiles.net | |
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Je m'en souviens, je me suis effondré sur l'intérieur de moi. Tout le sable accumulé devant mes yeux a coulé dans l'intérieur. Il m'a fallu en vider des tonnes. Danaïdes ! J'ai écouté loin au fond ce que pleurait une petite voix d'un tout petit enfant à qui depuis des lustres je ne donnais pas la parole. mais il m'a fallu six ans de psychanalyse pour trouver les mots capables de le consoler, et du coup, tous ces éclats de moi qui avaient quelque chose à dire, ou rien, mais d'urgence ont tanné l'intérieur de ma peau. Je n'ai pas aimé alors certaines bienveillances. je me souviens que ce que j'aimais, c'était les gens qui comme toi Véro, étaient-là, simplement là, attendant que je sois là.
tu dis : "Moi je guette ta traversée, attentive sur la rive, j'attends ardemment que tu fasses ton chemin, ma pensée comme un foulard doux ne te quitte pas" et c'est plein de bonté, cela... C'est plein de sagesse, que de laisser l'autre mettre à bas les ronces qui entourent la princesse endormie, la belle au bois dormant que nous sommes tous au fond de nous, et puis quand nous, chevalier valeureux, nous embrassons, la princesse que nous sommes aussi, quand homme et femme, veilleur et dormeur sont enfin réunis d'un baiser, le contraire des ronces fleurit à l'entour de notre coeur, le rire revient dans la peau.
Dans une très longue "Lettre ouverte" de quatre pages, où depuis des lustres, je peaufine ce cri, il y a vers la fin, la mise à pied, le congé des "dames patronnesses", hommes ou femmes, que j'ai croisé dans mes peines, et qui venaient y semer leur satisfecit...
je leur dis : "Voici des plaies vivantes. Regardez-les. Ouvrez les yeux : voyez dans ces plaies votre image fidèle. Regardez ce miroir qui ne vous mentira jamais. Il est vous par l'alchimie de la mort qui nous unit tous en un bouillonnement sans fin. Sur ces plaies, vous bourdonnez, Dames Patronnesses, de gauche et de droite, vous bourdonnez. Dans ces lèvres refermées, vos pontes portent fruit, sombres paroles luisantes. Les vers et la mort que vous avez fuis en vous jetant vers la mort de l'autre grouillent. Mais ils ne vous ont pas quittés. Même la grande solidarité des hommes ne vous exorcisera jamais. S'il vous reste un peu de temps, gardez-le pour vous. Ne le partagez pas, ce temps précieux que vous comptez en le donnant, en l'administrant. Ayez le courage de votre égoïsme. Laissez passer les noyés. Et ceux qui se noient. Ne vous jetez pas à l'eau. Vos maillots sont ridicules. Vous ne savez pas nager dans l'entre-deux eaux de la détresse. Vous ne savez pas qui vous cherchez quand vous plongez là où un autre ludionne. À chacun son métier, n'est-ce pas ? Il n'est pas de métier d'aimer, et vous êtes assignés à cacher les jeunes échecs, les enfances luxées sous le pari d'un dossier complet et exemplaire. (………) Au plaisir de ne jamais vous revoir, au plaisir de vous oublier. Qui sait : le rêve, jamais n'est amputé. Au plaisir, car nul ne vous en veut d'être un minuscule boulon de la machine à mal- vivre…"
Fais-moi une place sur le plaid que tu as mis sur le bord du canal, à attendre ta belle- douce qui se bat avec ses dragons et ses sortilèges. On va l'attendre, lui sourire quand elle nous verra. Si l'attente est longue, il y aura bien quelqu'un pour nous relayer tandis qu'on se reposera. Elle est là dans ses sagas intimes, ses épopées portatives qui fonde son nom, à mener bataille contre la syntaxe de la mort, de sa mort. Nul autre ne peut vivre sa vie, sinon elle : nulle autre ne mourra sa mort, sinon elle. Fais-moi une place, sinon, je m'assieds par terre dans la rosée, qu'au moins, toi, tu n'en souffres pas trop... |
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François France |
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BOUCHE OUVERTE, MOTS EN LOQUES
Certaines nuits, celles de lune ronde, celles qu’on croit plus sombres que le jour, affluent en masse les brisés, les suppliciés, les forcenés, les mis en pièces, tous les débris de l’âge tendre, un à un chacun des spectres de hantise. Ils pullulent et empoissent. C’est un orphéon purulent qui vous agrippe et qui vous grève, de braillements, de geignements, d’exécrations. On serait allégé si l’on percevait, à défaut de phrases, tout au moins un ricanement. Mais les lèvres ne s’écartent que pour vagir avec horreur ; et les paupières, furetant par des fentes sans yeux du crâne, les pleurs ne sont pas seuls à les avoir bouffies.
Peu après le sommeil, comment – car il le faut ! – consentir aux douceurs charnelles quand la flopée des ravages persiste à croître et se multiplier, son magma furieux à se répandre sur les champs d’honneur pour un temps infini à mesure humaine, puisque de monde, il n’y en a plus ?
----- Message d'origine ----- Je m'en souviens, je me suis effondré sur l'intérieur de moi. Tout le sable accumulé devant mes yeux a coulé dans l'intérieur. Il m'a fallu en vider des tonnes. Danaïdes ! J'ai écouté loin au fond ce que pleurait une petite voix d'un tout petit enfant à qui depuis des lustres je ne donnais pas la parole. mais il m'a fallu six ans de psychanalyse pour trouver les mots capables de le consoler, et du coup, tous ces éclats de moi qui avaient quelque chose à dire, ou rien, mais d'urgence ont tanné l'intérieur de ma peau. Je n'ai pas aimé alors certaines bienveillances. je me souviens que ce que j'aimais, c'était les gens qui comme toi Véro, étaient-là, simplement là, attendant que je sois là.
tu dis : "Moi je guette ta traversée, attentive sur la rive, j'attends ardemment que tu fasses ton chemin, ma pensée comme un foulard doux ne te quitte pas" et c'est plein de bonté, cela... C'est plein de sagesse, que de laisser l'autre mettre à bas les ronces qui entourent la princesse endormie, la belle au bois dormant que nous sommes tous au fond de nous, et puis quand nous, chevalier valeureux, nous embrassons, la princesse que nous sommes aussi, quand homme et femme, veilleur et dormeur sont enfin réunis d'un baiser, le contraire des ronces fleurit à l'entour de notre coeur, le rire revient dans la peau.
Dans une très longue "Lettre ouverte" de quatre pages, où depuis des lustres, je peaufine ce cri, il y a vers la fin, la mise à pied, le congé des "dames patronnesses", hommes ou femmes, que j'ai croisé dans mes peines, et qui venaient y semer leur satisfecit...
je leur dis : "Voici des plaies vivantes. Regardez-les. Ouvrez les yeux : voyez dans ces plaies votre image fidèle. Regardez ce miroir qui ne vous mentira jamais. Il est vous par l'alchimie de la mort qui nous unit tous en un bouillonnement sans fin. Sur ces plaies, vous bourdonnez, Dames Patronnesses, de gauche et de droite, vous bourdonnez. Dans ces lèvres refermées, vos pontes portent fruit, sombres paroles luisantes. Les vers et la mort que vous avez fuis en vous jetant vers la mort de l'autre grouillent. Mais ils ne vous ont pas quittés. Même la grande solidarité des hommes ne vous exorcisera jamais. S'il vous reste un peu de temps, gardez-le pour vous. Ne le partagez pas, ce temps précieux que vous comptez en le donnant, en l'administrant. Ayez le courage de votre égoïsme. Laissez passer les noyés. Et ceux qui se noient. Ne vous jetez pas à l'eau. Vos maillots sont ridicules. Vous ne savez pas nager dans l'entre-deux eaux de la détresse. Vous ne savez pas qui vous cherchez quand vous plongez là où un autre ludionne. À chacun son métier, n'est-ce pas ? Il n'est pas de métier d'aimer, et vous êtes assignés à cacher les jeunes échecs, les enfances luxées sous le pari d'un dossier complet et exemplaire. (………) Au plaisir de ne jamais vous revoir, au plaisir de vous oublier. Qui sait : le rêve, jamais n'est amputé. Au plaisir, car nul ne vous en veut d'être un minuscule boulon de la machine à mal- vivre…"
Fais-moi une place sur le plaid que tu as mis sur le bord du canal, à attendre ta belle- douce qui se bat avec ses dragons et ses sortilèges. On va l'attendre, lui sourire quand elle nous verra. Si l'attente est longue, il y aura bien quelqu'un pour nous relayer tandis qu'on se reposera. Elle est là dans ses sagas intimes, ses épopées portatives qui fonde son nom, à mener bataille contre la syntaxe de la mort, de sa mort. Nul autre ne peut vivre sa vie, sinon elle : nulle autre ne mourra sa mort, sinon elle. Fais-moi une place, sinon, je m'assieds par terre dans la rosée, qu'au moins, toi, tu n'en souffres pas trop...
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