Tessons brisés, nous voici en contrée de nomades faisant fi d'une boussole ; paysage crevassé, plateaux en collision dont le sol fissuré accuse les discords ; toi, compromis en dédain, te livre aux lieux du NON - cet insolite instant, chaque fois cette fois-ci, qu'écartèlent ne-plus et pas-encore - tel un que sa lignée coupe de sa cité quand celle-ci l'aliène de sa propre maison. De l'ombre où tu tiens si fermement l'abîme, tu montres la gigantesque mise en scène de l'équation tramée pour contenir l'angoisse : "L'instable nous étreint, le temps manque", dis-tu, tes mains ouvertes, "il n'y a plus de vocable majeur. M'en destituer, c'est à cela que notre ère m'affecte : avec le nom part le pouvoir".
Toi, le courage pour l'ancien te libère pour le possible, plus puissant que tout désir. Tu risques d'en mourir, non de vouloir, mais de savoir : longtemps, notre vérité fut verrou.
Des voix, la nuit, conduisent à la nuit comme à l'effondrement : monde affaissé, dévasté, n'invoquant plus l'esprit, ne lui substituant rien ; mais la nuit illumine la nuit de cette vacuité que tu regardes avec la pudeur qui lui est due car tu la sais, d'un non-savoir, l'inarraisonnable exigeant un désir sans fin. Les peaux existent et se touchent grâce au rien qui les sépare. Je t'ai (mes mains ont glissé sur tes cuisses, ô belles dérobées remontées !) fait une âme au moment même où tu faisais la mienne. Etoilé, après aides, le sens nous ouvre à la béance.
----- Message d'origine -----
à : New-Mtreal09, le 36 février 2089
Chère Linday
Juste deux mots de Montréal en hiver : tu connais le Canada, c’est charmant,avec cette douceur, hormis la pluie, et la boue. Le plus beau, c’est le soir, quand tous les bateaux se reflètent dans les vitres des tours, après que la pluie ait fait tombé les poussières du dessus du port.
Il paraît qu’avant, il neigeait beaucoup. Que le chaudmonde commençait plus bas que la ligne Chicago-Paris ! Tu imagines l’Espagne avec de l’eau et le sud de la France sans marais… Enfin, c’est ce qu’ils disent sur la barrette-mémoire de l’école que j’ai reçue hier. Il y a un chapitre sur les espèces disparues, des monstres !!!
En ce temps-là, figure-toi que les gens élisaient les politiques, dingue, non ? Un peu comme nous, c’est vrai, mais on nous on élit les présidents directeurs des firmes nationales, des maisons d’éditions, et parfois des internationaux qui nomment eux-mêmes les chefs d’état et leurs quatre ou cinq ministres. Il y avait même un ministre de la culture, de l’éducation par Land, à l’époque on disait des nations ou des pays, je ne sais plus. Tu m’étonnes qu’il y avait des guerres ! "C’est-ci qu’est bien", "Nan, c’est ci qu’est pas bien" ! Et même pas une langue unique pour tous les terriens ! À propos de guerre, on dit que le Nord de l’Afrique, inutile tas de sable sans huile-fosile a enfin été rendu impropre à la vie humaine. C’est vrai tous ces migrants qui y végétaient, ce n’était pas très hygiénique.
Bonne nouvelle : la banque de Pékin a viré mon solde pour avoir voté pour son ex-président comme directeur de gestion des conflits au bureau des Ressources Humaines Mondiales. De toute façon, même sans ça, je l’aurait fait. J’ai visité son musée du Tibet au Yemen : saisissant ce que les primitifs savaient faire avec rien. Avec cet argent, je vais pouvoir acheter un nouveau diplôme, ça tombe bien : c’est les soldes !
J’espère qu’à Néo-Paris vous avez beau temps, et qu’avec la pluie de janvier, les inondations n’ont pas ramené les dioxines dans les rues comme l’an passé. Papa est à Kief en séminaire (Joli en janvier-février, Kief au printemps !), comme tous les historiens, pour un énième Colloque sur « Poutine-précurseur-des-droits-du-Collectif-humain ».
Je t’embrasse, très tendrement, sans masque de protection, c’est dire si tu m’es chère
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