babel |
Posté le: 30/4/2007 16:20 | Sujet du message: un jour, le contraire du rire m'a mordu | |
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Je m'en souviens, je me suis effondré sur l'intérieur de moi. Tout le sable accumulé devant mes yeux a coulé dans l'intérieur. Il m'a fallu en vider des tonnes. Danaïdes ! J'ai écouté loin au fond ce que pleurait une petite voix d'un tout petit enfant à qui depuis des lustres je ne donnais pas la parole. mais il m'a fallu six ans de psychanalyse pour trouver les mots capables de le consoler, et du coup, tous ces éclats de moi qui avaient quelque chose à dire, ou rien, mais d'urgence ont tanné l'intérieur de ma peau. Je n'ai pas aimé alors certaines bienveillances. je me souviens que ce que j'aimais, c'était les gens qui comme toi Véro, étaient-là, simplement là, attendant que je sois là.
tu dis : "Moi je guette ta traversée, attentive sur la rive, j'attends ardemment que tu fasses ton chemin, ma pensée comme un foulard doux ne te quitte pas" et c'est plein de bonté, cela... C'est plein de sagesse, que de laisser l'autre mettre à bas les ronces qui entourent la princesse endormie, la belle au bois dormant que nous sommes tous au fond de nous, et puis quand nous, chevalier valeureux, nous embrassons, la princesse que nous sommes aussi, quand homme et femme, veilleur et dormeur sont enfin réunis d'un baiser, le contraire des ronces fleurit à l'entour de notre coeur, le rire revient dans la peau.
Dans une très longue "Lettre ouverte" de quatre pages, où depuis des lustres, je peaufine ce cri, il y a vers la fin, la mise à pied, le congé des "dames patronnesses", hommes ou femmes, que j'ai croisé dans mes peines, et qui venaient y semer leur satisfecit...
je leur dis : "Voici des plaies vivantes. Regardez-les. Ouvrez les yeux : voyez dans ces plaies votre image fidèle. Regardez ce miroir qui ne vous mentira jamais. Il est vous par l'alchimie de la mort qui nous unit tous en un bouillonnement sans fin. Sur ces plaies, vous bourdonnez, Dames Patronnesses, de gauche et de droite, vous bourdonnez. Dans ces lèvres refermées, vos pontes portent fruit, sombres paroles luisantes. Les vers et la mort que vous avez fuis en vous jetant vers la mort de l'autre grouillent. Mais ils ne vous ont pas quittés. Même la grande solidarité des hommes ne vous exorcisera jamais. S'il vous reste un peu de temps, gardez-le pour vous. Ne le partagez pas, ce temps précieux que vous comptez en le donnant, en l'administrant. Ayez le courage de votre égoïsme. Laissez passer les noyés. Et ceux qui se noient. Ne vous jetez pas à l'eau. Vos maillots sont ridicules. Vous ne savez pas nager dans l'entre-deux eaux de la détresse. Vous ne savez pas qui vous cherchez quand vous plongez là où un autre ludionne. À chacun son métier, n'est-ce pas ? Il n'est pas de métier d'aimer, et vous êtes assignés à cacher les jeunes échecs, les enfances luxées sous le pari d'un dossier complet et exemplaire. (………) Au plaisir de ne jamais vous revoir, au plaisir de vous oublier. Qui sait : le rêve, jamais n'est amputé. Au plaisir, car nul ne vous en veut d'être un minuscule boulon de la machine à mal- vivre…"
Fais-moi une place sur le plaid que tu as mis sur le bord du canal, à attendre ta belle- douce qui se bat avec ses dragons et ses sortilèges. On va l'attendre, lui sourire quand elle nous verra. Si l'attente est longue, il y aura bien quelqu'un pour nous relayer tandis qu'on se reposera. Elle est là dans ses sagas intimes, ses épopées portatives qui fonde son nom, à mener bataille contre la syntaxe de la mort, de sa mort. Nul autre ne peut vivre sa vie, sinon elle : nulle autre ne mourra sa mort, sinon elle. Fais-moi une place, sinon, je m'assieds par terre dans la rosée, qu'au moins, toi, tu n'en souffres pas trop... |
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